Neige d'enfer.

Seijaku porta ses mains à son visage et souffla dessus, les réchauffant légèrement alors que son corps était plus ou moins gardé au chaud grâce à ses ailes, bien que ses vêtements mouillés soient encore un problème. Problème qu'il fallait résoudre vite si elle ne voulait pas mourir de froid. Mais avant, elle voulait s'assurer que Gadelpek allait bien. Il finit alors par se réveiller, à son grand soulagement. Elle lui adressa un bref regard, elle ne pouvait pas rester, après tout, elle avait été un poids pour lui et lui avait causé bien trop de soucis. Elle ne voulait pas rester. Pour son bien. Un dernier sourire triste, et une dernière parole lui furent offert avant qu'elle ne prenne difficilement son envol, ses ailes endolories par le froid. Le vent était glacé et s'engouffrait dans ses vêtements trop large, elle allait finir par croire que ses oreilles tomberaient à force de lui faire mal ainsi.

Seijaku se posa, trop fatiguée pour continuer et surtout le froid qui la compressait de plus en plus. Non, vraiment elle n'aimait pas la neige. Pourquoi n'avait-elle pas de chaussures ? Ses pieds nus s'enfonçaient dans la neige et à chaque pas elle souffrait un peu plus. Elle termina sa course devant les restes d'un village. Peut-être une, ou deux maisons étaient encore sur pied mais toute la vie du lieu semblait avoir été aspirée par la neige. Néanmoins, quelqu'un finit par sortir d'une maison, une vieille dame, qui marchait lentement et qui s'approcha sans crainte du nouvel arrivant. Elle lui tendit amicalement une couverture et repartit après avoir été remerciée rapidement. C'était déjà ça, et ça lui convenait pour le moment. On ne pouvait attendre plus d'eux, après tout, la neige leur avait tout pris et il ne pouvait donner plus qu'il n'avait, alors l'hospitalité...

S'enroulant dans ses ailes pour se sécher, elle engouffra ses pieds dans la couverture qu'on lui avait fournit et resta un moment comme ça à observer les flocons de neige qui tombaient inlassablement. Qu'est-ce qu'elle fichait ici déjà ? Il faisait froid, il neigeait et elle n'avait même pas de chaussures. Mais étrangement, ça restait à la limite du supportable, son corps s'habituait rapidement malgré sa faiblesse. Sa malédiction avait des bons côtés malgré tout. Même si tout était amplifié, la durée elle, était plus courte. Ou quelque chose comme ça, elle ne comprenait pas encore bien ce qui lui arrivait mais malgré tout, la malédiction d'Hane la protégeait, l'empêchant de mourir et lui permettant de vivre. Pourquoi ? Elle avait tout perdu, tout délaissé et on lui permettait de vivre ? vivre alors que tout le monde désirait sa mort autant qu'elle même. Seijaku soupira et serra les poings. Ses am.. Son clan lui manquait mais elle ne pouvait l'admettre complètement, elle devait les éloigner, s'en défaire peu à peu, qu'elle se fasse oublier pour ne pas les faire souffrir. Car pour elle, Seijaku était déjà mort et il fallait qu'ils fassent leur deuil car elle ne reviendrait pas de la mort.

Elle secoua la tête, elle n'aimait pas penser à eux, à chaque fois son se serrait et ses yeux se mettaient à briller. Non, elle ne voulait pas pleurer et se rendre encore plus faible. De son côté aussi, il fallait qu'elle les oublie mais avant, il fallait qu'elle résolve ce mystère, qu'elle trouve Hane, qu'elle trouve un moyen de rétablir l'équilibre des choses.

-"Beaucoup trop de choses pour un seul être aussi faible qui ne peut même pas s'échapper. Ni la vie ni la mort ne veulent de moi..."

« Alors fais en sorte de vouloir d’elles. »

La voix semblait ennuyée, et Doku, debout aux côtés de la jeune fille meurtrie, l’observait d’un regard désintéressé à souhait. Pourtant, ce n’était pas vraiment le cas ; s’il s’était décidé à intervenir, c’était justement parce qu’il ne pouvait prendre le risque de laisser Seijaku ainsi. Parce que oui, il la connaissait. Quoi de plus logique, d’ailleurs, puisqu’il était celui que Takako avait désigné pour la surveiller et prendre garde à ce qu’elle ne déroge pas du droit chemin. Bien sûr, l’adolescent ignorait tout de ce qu’ils faisaient ; quant à la manipulation que la richissime Sayo exerçait sur elle, elle ne devait même pas s’en douter. Réprimant un soupir tandis que Sugi, sa vipère inhérente, se pelotonnait un peu plus contre son avant-bras – bien entendu, il l’avait dissimulé au regard de Sei, histoire de ne pas l’effrayer dés le départ – il détacha d’un geste ample un pan de sa cape qui s’ouvrit pour libérer une sacoche de laquelle il sortit une fiole au contenu violacé. Relâchant sa cape qui se remit en place, il s’agenouilla l’instant d’après pour tendre le mince contenant de verre à la jeune fille.

« Bois ça. » lui dit-il simplement, sans même lui laisser expliquer ce qu’elle contenait, ou ses effets. Il lui semblait normal, sinon tout à fait logique, que ce soit une potion de guérison. Certes à base d’un poison reptilien qui devenait néanmoins totalement inoffensif dans le mélange de sa décoction ; la jeune fille n’avait donc aucune raison de s’inquiéter. Evidemment, le geste de Doku n’était pas gratuit ; rien de ce qu’il faisait ne l’était plus depuis longtemps. Cette aide n’avait qu’un seul but, celui de la faire se relever et continuer son périple sans se laisser abattre. Elle était la plus opiniâtre de tous les réceptacles, aussi était-il essentiel qu’elle continue sa quête à la recherche de la vérité. Ce qu’elle découvrait, ils le savaient déjà, pour la plupart. Mais savait-on jamais ; il se devait de continuer à surveiller ses moindres gestes, même si pour cela il devait endurer ses périples aussi stupides qu’inutiles – et périlleux pour la concernée, cela va de soi. Mais qu’elle ne compte pas sur lui pour intervenir à chacun de ses bobos. Sans blague. Là, c’était exceptionnel. Et puis, il n’était pas vraiment compatissant, donc.

Seijaku ne daigna pas lever les yeux malgré sa surprise et elle émit un petit rire triste. Faire en sorte de vouloir d'elles ? Pourtant, elle ne désirait que ça... Mourir. Pour l'autre état, on ne lui permettait pas de vivre. Car comment...«Comment vivre dans un monde qui vous hais ? Dans un monde qui vous a tout pris...»
Elle leva la tête vers l'homme qui semblait ennuyé, voir totalement absent. Oui bien sur, lui aussi n'en avait que faire n'est-ce pas ? Alors pourquoi lui avoir poser cette question ? Histoire qu'elle ne fasse pas de bêtises ? Elle ne pouvait même pas. Ce n'était pas son heure c'est ça ? Et son tic-tac ne s'arrêterait jamais...

L'homme s'agenouilla à ses côtés et lui tendit une fiole au contenu violacé qu'elle fixa longuement avant de se décider à prendre entre ses mains pâles quand il lui souffla de boire le liquide. Une potion certainement, mais elle n'en voulait pas. Pas pour faire la difficile ni pour l'énerver -quoiqu'il était difficile de faire confiance à un homme qui apparaissait comme une ombre et dont la carrure était aussi imposante, même son aura aurait put lui faire peur si elle n'avait pas été totalement déconnectée- mais parce qu'elle n'en avait pas la force. Elle garda alors longtemps la petite fiole entre ses mains, laissant le verre se geler doucement et s'agripper à ses doigts. Et puis, elle allait bien... très bien même, son corps s'était habitué et elle ne sentait même plus sa cicatrice.

«Qui êtes-vous ? Et pourquoi êtes vous ici ? Un problème de conscience ? Je n'ai pas besoin de pitié en plus de haine.»

Bien oui, car même si lui semblait étrangement la connaître, pour elle, il n'était qu'un inconnu sortit tout droit de nul part. Seulement, elle douta avoir une réponse, mais sait-on jamais.
Seijaku laissa glisser la fiole sur le sol, sans bruit. Décidément, elle n'en voulait vraiment pas, et tant pis si son corps souffrait, elle ne le sentait même plus car elle allait bien, bien même si son cœur s'était serré et qu'elle n'arrivait pas à oublier son clan, sa famille et Sayokaze... Elle posa son menton sur ses genoux, et continua d'attendre. Peut-être que le froid la tuerait ou qu'elle trouverait quelque chose de plus intelligent à faire, mais surtout, elle attendait une réponse.

Si Doku cilla, vaguement ennuyé en apparence, lorsque Seijaku répondit à sa première réplique, il ne releva pas et resta immobile à la regarder, son regard perçant valsant entre la fiole qu’elle tenait dans ses mains et son expression récalcitrante. Ne serait-ce que son hésitation première à prendre sa mixture lui avait fait comprendre qu’elle ne la boirait pas. C’est donc avec un chouïa d’ennui en plus, à considérer qu’il ne l’était déjà que légèrement, qu’il l’observa laisser ses doigts ainsi que le verre se recouvrir d’une pellicule de givre, assez blasé bien que ses traits restaient constants dans l’émotion, et que son calme olympien ne l’abandonnait pas. C’était peut-être pour ça, d’ailleurs, que Seijaku lui avait été attribué ; outre le fait que Kurenai aurait laissé la jeune fille mourir sans intervenir avant l’inconscience, il n’aurait certainement pas eu l’envie de lui courir après à travers le Monde. Et finalement, c’était peut-être mieux comme ça. Vraiment. Réprimant un soupir que Sayo comprit comme un ordre de déplacement, le brun ne tarda pas à jeter un coup d’œil autour d’eux, insensible à la désolation de l’endroit tandis que la réceptacle d’Hane reprenait la parole, lui posant diverses questions éclectiques en s’appuyant davantage sur son sort au passage. Ben voyons. Haussant légèrement un sourcil de dérision, ce fut ses lèvres que Doku arqua en reportant son attention sur elle.

« Ce genre de chose n’est vraiment pas fait pour moi.. » siffla-t-il simplement, et sa vipère glissa lentement le long de son buste pour aller se pelotonner autour de sa taille, semblant lire dans les semblants de pensées hésitantes de son propriétaire avant même que celui-ci n’ait conscience de celles-ci. L’instant d’après, il cillait lentement d’incompréhension envers lui-même, bien que cela soit à peine perceptible sur ses traits, et, finalement, il permit à un véritable soupir de passer la barrière gercée de ses lèvres. Soit. Faisant voyager sa vue de la fiole échouée dans la neige à la posture vraisemblablement désespérée de Sei – sans ressentir la moindre compassion, entendons-nous bien ; Doku n’était quand même pas n’importe qui – celui-ci finit par prendre sa décision, récupérant sa décoction du bout des doigts pour la ranger en silence. Quitte à ne rien gaspiller au passage, hein.. Si la jeune fille reprit la parole, il ne l’écouta qu’à moitié. Sa réponse lui semblait de toute façon inintéressante, quelque soit la façon dont il regardait ça. L’instant d’après, son bras droit se faufilait sous les genoux de l’adolescent, et il leva ceux-ci d’un mouvement en récupérant le dos de sa vis-à-vis à l’aide de son bras gauche, stoppant son début de chute. Une ou deux secondes lui suffirent pour se remettre debout, et, déjà, il prenait la direction de Koori sans demander son avis à la demoiselle, la trimbalant ainsi en posture de jeunes mariés.

En fait, le silence lui aurait peut-être suffit, surtout après avoir entendu la voix sifflante et tout aussi glacée que la neige de l'inconnu qui n'était pas décidé à lui avouer quoique ce soit. Légèrement déçue, Seijaku tourna la tête, peut-être que si elle fermait les yeux il disparaitrait. Elle n'avait pas besoin de pitié, peut-être, mais l'indifférence la rendait triste. Non, elle ne savait pas ce qu'elle voulait et même si elle le savait, elle ne l'admettrais pas, car ce serait tomber dans un cercle vicieux ingérable. Elle se décida à rouvrir les yeux, lentement pour tomber nez à nez avec un bras qui était venu récupérer la fiole délaissée. Elle s'en désintéressa assez vite, attendant qu'il s'en aille avec son bien sauf qu'au lieu de ça, elle sentit un bras passer sous ses genoux et un autre sous son dos. Ses pupilles se rétractèrent sous la surprise et ses muscles se tendirent. Crispée jusqu'au bout de ses ailes chiffonnées, elle n'osait plus bouger, ni même respirer, si bien que ses lèvres restèrent entrouvertes un moment sans qu'un son n'en sorte ni même un souffle. Ça n'allait plus, plus du tout, les contacts physiques et elle ça faisait deux et encore. Elle ne savait comment se mettre, ses doigts triturant convulsivement son écharpe. Au moins, elle ne pouvait plus se plaindre d'avoir froid aux oreilles, celle-ci s'étant enflammées aussi vite que ses joues s'étaient teintés d'un joli rose heureusement caché par quelques mèches de cheveux sombres. Cela à mettre sur le compte de la honte -et notamment de la gène-.

«Jusqu... Jusqu'où vous comptez me trimballer comme ça...?»
*Jusqu'à ce que je craque ?! C'est quoi ce plan ? Qu'il me repose et vite...*

Malgré que Seijaku essayait de reprendre son calme et son impassibilité, sa voix trembla un peu. Elle n'était pas à l'aise c'était certain, mais comment l'être face à cet homme plus froid que la neige... Surtout qu'elle ne savait absolument pas où il l'emmenait ni pour quelle raison. Elle retenue à temps le rire nerveux qui tentait de s'échapper signe que ça n'allait vraiment pas et l'idée de ne serait-ce qu'essayer de repousser le grand brun ne l'enchantait pas, de peur que sa main soit dévorée par son haut sombre en tentant de s'échapper. Seijaku préféra alors regardait le paysage qui défilait bien trop lentement, le vent glacé caressant doucement son visage.

La surprise de Seijaku était évidente, sinon tangible, et Doku en ressentit un léger amusement qui, à défaut de le dédommager entièrement, avait au moins le mérite minimum de l’amuser. Dans la limite du raisonnable, bien entendu ; l’amusement de Doku ne résidait pas dans ses sourires ou même ses rires – qui eux étaient totalement inexistants. Mais, à bien y regarder, ses traits se détendaient légèrement, et puis, quelque part, son aura intimidante se faisait un peu moins oppressante, sans pourtant perdre un grain de son effroyable intimidation. Le problème, avec le Kemono, c’est que même un sourire affable et une allure plus humaine ne suffiraient pas à le rendre sympathique. Du moins de manière instinctive. Il était tout à fait impossible de rester de marbre face à ce monstre de prestance. Réussir à amuser le brun restait néanmoins une preuve irréfutable de son unicité, et la jeune hôte actuellement dans les bras de celui-ci venait de prouver à quel point elle représentait une exception, autant dans ce Monde que dans la vie du concerné. Pas qu’il se sentait particulièrement attaché à elle, mais quitte à devoir la surveiller, et plus si affinité (comme actuellement), autant que cela se passe sous la meilleure des augures possibles.

« Mourir dans l’indifférence n’est sûrement pas quelque chose qui t’attire plus que ça, j’en suis persuadé. Je ne compte ni t’achever ni profiter lâchement de tes faiblesses, rassure-toi. » psalmodia-t-il avec indifférence, quoique le coin de ses lèvres se souleva légèrement en un sourire ironique qu’il ne développa néanmoins pas. Mais, tout à ses interrogations, il pensait néanmoins à la suite des événements ; ramener la jeune personne à la capitale n’était sûrement pas une bonne idée, dans le sens où beaucoup de gens risquaient de la reconnaître. Pire, il prenait le risque de se mettre lui-même à la vue de tous, bien qu’il soit perpétuellement incognito de part son statut, disons, privilégié. Et les contacts de Takako fleurissant à travers les continents, il n’y avait, là non plus, aucuns problèmes. Le seul notable fut encore la présence du réceptacle. En désespoir de cause, il ne lui restait qu’une seule solution, mis à part Koori qu’il avait donc exclus d’office : le temple Yamadera, qu’il avait fut un temps régulièrement fréquenté. Il n’y aurait donc aucuns problèmes quant aux mages gardant et protégeant l’endroit. Son bagout ferait le reste. Prenant la direction de cette nouvelle destination en raffermissant sa prise, Doku espéra juste que la jeune fille saurait garder le calme, le silence, et, éventuellement, ne panique pas à la vue de Sugi.


[ Vraiment désolé du retard. n_n ]

« Mourir dans l’indifférence n’est sûrement pas quelque chose qui t’attire plus que ça, j’en suis persuadé. Je ne compte ni t’achever ni profiter lâchement de tes faiblesses, rassure-toi. »

Seijaku fronça les sourcils et commença à ronger nerveusement ses ongles. Il avait raison. La jeune hôte avait beau vouloir fuir le monde, elle ne voulait pas être délaissée... Et pourtant, elle avait délaissé ses amis. Est-qu'ils étaient à sa recherche ? Est-ce qu'ils avaient préféré refaire une vie... ? Est-ce qu'ils étaient... Morts ? A quoi bon... Elle n'en saurait rien à moins d'aller les retrouver et ça, elle ne le ferait pas. Peur de leur réaction, peur de ne jamais les retrouver, peur de ne savoir quoi faire, peur de tout et peur de rien.

L'air de Koori s'était encore refroidit glaçant chaque fois un peu plus le bout de ses membres mais étrangement, ça, le froid, elle ne le sentait plus vraiment contrairement à la douleur qui l'assaillait à chaque coup reçut. Elle continua inlassablement à se ronger l'ongle de son annulaire, jusqu'à la peau, jusqu'au sang. Seijaku serra les dents et regarda à nouveau au loin. On pouvait voir au loin s'approcher la silhouette d'une énorme bâtisse. Le cœur du démon s'affola et elle chercha à faire lâcher prise à l'inconnu.

«Hey ! On est où là ? Qu'est-ce que c'est ?»

L'atmosphère avait changé et l'air était emplit d'une aura magique plus importante, pesante comme une mise en garde. Seijaku agrippa instinctivement la manche de son porteur et n'osa plus bouger, observant juste le bâtiment qui se rapprochait de plus en plus. Elle tourna la tête vers son vis à vis toujours aussi impassible, déstabilisant. Sa prise se raffermit et elle se dégagea d'un bond plus assuré, posant enfin ses pieds nus sur le sol enneigé. Ses forces n'étant pas encore revenues, elle manqua de tomber mais s'appuya sur l'inconnu. Puis reprenant son souffle, elle planta son regard dans le sien.

«J'aimerais... Des explications...»

La tension du jeune hôte était palpable, et Doku l’observait se ronger l’ongle par à-coups plus ou moins curieux, bien que son expression ne trahissait en rien l’intrigue qu’il nourrissait à l’encontre de Seijaku. Enfin, intrigue particulièrement mitigée d’ailleurs, puisque l’homme était caractérisé par sa désinvolture perpétuelle ; du coup, l’intérêt qu’il portait à ce qui l’entourait était plus ou moins égal à zéro. Sur une échelle de un à cent, Sei avait l’honneur de monter jusque cinq. Ce pouvait paraitre peu, mais c’était toujours ça de pris, n’est-ce pas. D’autant que la reconnaissance de Doku était au moins aussi prisée que le Saint Graal parmi ses congénères. Reportant son attention sur l’horizon dans laquelle commençait à se dessiner, repoussant flocons de neiges solitaires et brumes glacées, la silhouette du temple Yamadera. Et, légitimement, cette image un peu floue rassura Doku – s’ils n’étaient plus trop loin du but, ils n’avaient plus rien à craindre. Non pas qu’il se souciait de la sécurité de Sei personnellement, mais il était chargé de veiller sur elle, après tout. Si elle venait à être lapidé par quelques paysans soucieux de venger leurs mères, femmes et filles, cela compromettrait sensiblement les plans de Konran. Et ce n’était pas souhaitable en soi, surtout pour la vie de Doku. Takako avait beau être insensible, elle pouvait néanmoins se montrer.. brutale pour compenser son manque de colère. Il était d’ailleurs conseillé d’être aux abonnés absents lorsque c’était le cas.. Enfin. La légère tension diffuse insinuant son sang se volatilisa instantanément, le rendant définitivement décontracté ; le plan se déroulait comme prévu. Mais le réceptacle était, comme il l’avait déjà précisé dans ses rapports précédents, imprévisible. Et aujourd’hui n’était pas une exception, il fallait croire.. Seijaku se mit à remuer en paniquant, obligeant Doku à effectuer un pas de côté pour garder un équilibre devenu légèrement précaire, serrant davantage ses doigts sur le corps frêle du jeune garçon sans lui faire totalement mal. Mais si la douleur était au rendez-vous, ce n’était pas de sa faute, vraiment ; il n’avait qu’à se tenir tranquille, aussi !

« Reste calme.. » siffla-t-il, affligé, sans cesser de marcher vers son but, chargé en effet d’une puissance magique hors norme. Lui aussi, lorsqu’il était arrivé ici pour la première fois, il n’en menait pas large. Takako l’avait coffré dans cet établissement pour le faire devenir un Mage sur lequel elle pourrait compter, mais les premiers mois furent éreintants, et Doku se souvint brièvement avoir tenté de mettre fin à sa vie à plusieurs reprises, alors qu’il n’était pas encore tout à fait remis de la mort d’Otoe. Hochant légèrement la tête pour chasser ces réminiscences inutiles de sa tête, le Kemono croisa involontairement le regard de Sei qui semblait le fixer, et il le soutint en sentant une espèce de sentiment indicible, une nouveauté qu’il n’aurait pu décrire. Un espèce d’amusement mélangé à l’agacement le plus profond ; rien de positif, mais pas totalement négatif. Un truc assez déroutant pour qu’il baisse sa garde et laisse la demoiselle s’échapper, et il cilla d’étonnement en l’observant tituber pour retomber sur lui, l’obligeant de nouveau à reculer un pied pour ne pas les faire chuter tous les deux. Et sa patience légendaire s’égraina légèrement, lui faisant froncer les sourcils tandis que Sei se mettait à exiger. Il n’en suffisait pas plus pour que Doku se dégage d’un mouvement sec et brusque, quoique teinté d’une espèce de grâce précieuse naturelle – comme chacun de ses gestes, d’ailleurs. Avançant de quelques pas en direction de Yamadera en se répétant que non, vraiment, il n’était pas fait pour garder des chiourmes, il finit néanmoins par se retourner vers sa protégée après s’être éloigné de quatre ou cinq mètres, redevenu totalement impassible. Si elle refusait, il n’y pouvait plus rien. « Je suis ta seule chance. Tu veux mourir seule, ou survivre avec moi ? » Sa voix placide n’incitait pas la confiance, mais son bras se tendit et sa main pâle se détendit lentement pour s’ouvrir vers Sei, l’invitant à la saisir pour continuer à le suivre. Et si son expression restait inexpressive, justement, ses yeux, eux, semblaient traduire un mot. Un seul. ‘Viens.’